Personna non grata au village - Ait Saada Yattafen

Ait Saada Yattafen

Ait Saada Yattafen

Récits, images, toute une chronique inspirée de l'horizon de mon enfance qui me semblait circonscrit aux limites du Djurdjura.


Personna non grata au village

Publié par Ait Mohand Idir sur 29 Avril 2022, 09:22am

 

- Fais-moi traverser la rivière s’il te plaît, dit un scorpion à un papa-grenouille confortablement installé dans son cours d’eau.

- Mais non, tu as un bidule qui peut me tuer si je te portais sur mon dos, répondit le papa-grenouille.

- Je te jure que je ne te ferai aucun mal, promit le scorpion d’un air apitoyant.

Le papa-grenouille, dans toute sa candeur de batracien, sauta de son galet et d’un mouvement de pattes rejoignit l’arachnide se trouvant en bordure de l’oued.

- Puisque tu m’as promis de ne me faire aucun mal, monte sur mon dos, je te ferai traverser, dit le papa-grenouille confiant.

Arrivés de l’autre côté, juste avant de quitter le dos de son bienfaiteur, le malfrat envoya un coup de dard mortel à celui qui lui rendit service.

- Aïe comme ça fait mal, hurla de douleur le pauvre papa-grenouille qui pensa à sa progéniture qu’il va devoir quitter pour toujours.

- Mon dard est fait pour piquer et mon rôle est de faire mal même à ceux qui me font du bien, conclut le malfaiteur.

Cette sentence est souvent citée dans certains cas qui confirment l’autre adage qui conseille de ne pas faire du bien afin d’éviter de recevoir du mal en retour. Mais alors, que faire lorsqu’un type d’apparence pauvre vous demande de l’aide et comment savoir ce que cachent ses intentions ? C’est déjà arrivé à des gens généreux qui ont fini avec le couteau sur la gorge pour se voir déposséder de leur argent. Pire encore, d’autres ont payé chèrement leur bonté pour avoir eu pitié de personnes qui cachaient un comportement inhumain.

Pour certaines personnes, heureusement peu nombreuses, faire du mal est une nécessité dont elles ne peuvent pas se passer car leur jouissance se trouve dans l’action de darder afin d’éjaculer leur substance venimeuse. En effet, il suffit de jeter un regard à droite ou à gauche pour constater, un peu partout dans la vie courante, ce genre d’individu qui n’hésite pas à piquer son prochain pour le plaisir de faire mal. Ainsi, il n’est nul besoin d’aller loin pour se trouver en face d’un damné à l’image de cet innommable d’Ait Saada.

Que dire lorsqu’on sait qu’une vipère, aussi dangereuse soit-elle, ne mord que si elle se sent menacée, alors que ce type à l’allure d’un cobra possédant un quotient intellectuel élevé, n’hésite pas à mordre le premier venu pour satisfaire son instinct diabolique. Subtil démoniaque insaisissable, il sait s’y prendre  pour attaquer et mordre sans que cela n’aille plus loin que ce qu’il avait calculé à l’avance.

Ce spécimen de la nature, capable de tromper le diable, réussit à piéger ses proies à tous les coups. Sa manière d’être et de se conduire vis-à-vis de sa famille, de ses proches et même de ses connaissances, n’échappe à personne et ça, il le sait parfaitement. Sa ruse et son habileté hors normes, lui permettent de se tirer d’affaire à chaque fois qu’il commet un dépassement et que quelqu’un ose le rappeler à l’ordre.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce bonhomme possédant des capacités qui auraient pu faire de lui quelqu’un d’exceptionnel, est tout le contraire d’un être pourvu de sentiments humains. Son esprit luciférien fait de lui un paria qui sévit là où il passe profitant de l’indulgence des gens qui sont loin d’être naïfs. Déclaré persona non grata par tout le village à cause de ses manigances et de sa dangerosité, beaucoup de gens ont fait les frais de ses combines savamment mijotées au détour de chaque occasion.

Dommage pour lui, dommage pour ses victimes qui le subissent sans pouvoir faire quoi que ce soit pour le ramener à la raison.